
Duos mères-filles à l'Abrapa : Virginie et Céline
Portraits croisés à l'occasion de la Journée internationale des Droits des femmes
« Pour TOUTES les femmes et les filles : droits, égalité et autonomisation » telle est la thématique de l'édition 2025 de la Journée internationale des Droits des femmes, créée par l'ONU. À cette occasion, l'Abrapa a souhaité mettre en lumière cette année, des duos mères-filles. Deux générations de femmes qui partagent à la fois leur filiation et le choix qu'elles ont fait de travailler au sein de la même Association. Découvrez le 3ème portrait croisé de Virginie, Auxiliaire de vie et de sa fille Céline, Aide-soignante, et le regard qu'elles portent chacune sur la place de la femme dans leur métier et au-delà dans la société. Merci à elles.
Depuis quand travaillez-vous à l’Abrapa ?
Virginie (mère) : Pour moi, c’est ma 16ème année.
Céline (fille) : Moi cela fait un an et demi.
Quel métier exercez-vous à l’Abrapa actuellement ?
Virginie : Je suis auxiliaire de vie. J’ai commencé en tant qu’aide à domicile, puis j’ai fait une formation pour être auxiliaire de vie.
Céline : Je suis aide-soignante.
Être une femme dans votre métier ça change quelque chose ou pas ?
Céline : Cela a beaucoup d’avantages. En tant qu’aide-soignante en tout cas, beaucoup de patients préfèrent avoir des femmes qui interviennent chez eux, même les patients hommes. On a quelques patients qui refusent souvent les hommes.
Virginie : Je n’aurais pas dit mieux. 😊
Céline : Depuis toujours les métiers du soin, que ce soit infirmière, auxiliaire de vie, aide à domicile, aide-soignante, ce sont les femmes qui y sont associées.
Journée Internationale des Droits des femmes, pour vous, nécessaire ou pas ?
Virginie et Céline : Oui ! (elles répondent en cœur.) 😊
Céline : Je trouve que c’est une journée très importante car cela nous rappelle tous les combats que les femmes avant nous ont mené, pour que l’on puisse vivre comme nous vivons aujourd’hui.
Selon vous, qu’est-ce qui a changé au niveau de la place de la femme dans la société entre vos générations respectives ?
Céline : Je pense que les femmes de ma génération travaillent peut être plus, car je remarque qu’il y a beaucoup de femmes au foyer qui ont l’âge de ma Maman.
Virginie : J’ai été maman avant de commencer à l’Abrapa. Quand j’ai débuté en tant qu’aide à domicile, c’était quand même compliqué. Avec les enfants à faire garder, c’était moi qui m’en occupais plus que le Papa, car il travaillait à temps complet et moi à temps partiel. Il fallait s’arranger.
Céline : Maintenant pour ma génération, ce n’est pas forcément la femme qui reste à la maison, cela peut être le mari aussi. On voit cela de plus en plus souvent et je trouve cela génial. Alors qu’avant c’était toujours le rôle de la femme de faire le ménage, faire les repas, travailler, s’occuper des enfants… tout était sur les épaules de la femme.
Virginie : Dans mon métier, il y a eu des améliorations. Avant d’avoir mon diplôme, on faisait des tâches qui avaient un impact sur notre santé mais ce n’était pas expliqué. On a beaucoup plus de formations aujourd’hui.
Céline : Et on est aussi plus et mieux considérées.
Virginie : Avant nous n’étions pas reconnues.
Céline : Surtout vous ! Aux yeux de la société, l’aide-soignante a toujours l’image de celle qui fait les tâches ingrates, mais moins que les aides à domicile et les auxiliaires de vie.
Virginie : Au moment de la Covid, c’est là qu’on a vu le progrès d’un coup. J’intervenais chez un bénéficiaire qui me nommait toujours comme « la femme de ménage ». Après la Covid, il me disait « ah oui tu n’es pas la femme de ménage ». Il ne savait pas quel terme utiliser, mais il comprenait que j’étais là pour l’aider, pas juste pour faire le ménage.
Céline : Mais cette reconnaissance d’après Covid n’a pas duré longtemps. Quand on regarde maintenant, on est toujours considérées comme avant et je trouve cela dommage. Surtout que sans les aides à domicile, les auxiliaires de vie ne sont rien. Sans les auxiliaires de vie, les aides-soignantes ne sont rien. Sans les aides-soignantes, les infirmières ne sont rien. Et sans les infirmières, les médecins ne sont rien. On a toutes et tous besoin les uns des autres. Et je trouve cela dommage qu’on ne soit pas reconnues.
Virginie : Aujourd’hui, les personnes ne vont plus forcément dire : « c’est la femme de ménage qui vient. » Elles vont dire : « J’ai mon aide-ménagère. C’est mon aide. C’est la personne qui vient m’aider ». Je vois la différence entre aujourd’hui et il y a 15 ans.
Quelles causes vous tiennent particulièrement à cœur ?
Céline : La violence faite aux femmes. Et la violence faite aux personnes âgées surtout dans les structures est aussi une cause qui me tient vraiment à cœur, parce qu’on entend tellement de choses (exemple affaire Orpéa)…
J’ai travaillé 4 ans en structure et on était malheureusement parfois maltraitants parce qu’on n’avait pas forcément le choix. Pas « maltraitants » dans le sens de violenter physiquement les personnes, mais par exemple parfois on les levait à 11h pour les coucher à 14h parce que le soir il n’y avait pas de personnel. On donnait à manger à deux personnes en même temps, chacun avec une main. Si le repas prenait plus de 10 minutes chez une personne, on devait partir chez le prochain résident, donc le premier ne terminait pas son repas.
Virginie : J’ai déjà eu des situations difficiles. Par exemple, quand je suis arrivée pour mon intervention et que l’infirmière n’est pas encore passée, j’ai alors dû donner à manger à la dame alors qu’elle était dans ses selles. Cela m’a mis hors de moi et vraiment touchée et quand je suis sortie de chez elle, j’avais une larme à l’œil.
Céline : Il y a aussi des familles qui sont maltraitantes. On le voit plus à domicile qu’en structure. Les familles qui ne sont pas présentes, celles qui n’écoutent pas nos conseils pour aménager le logement ou fournir des dispositifs à leur parent, celles qui laissent le frigo vide à chaque fois qu’on arrive, ce qui complique notre mission d’aide aux repas… C’est de la maltraitance aussi. Mais comme il s’agit des familles, on ne peut rien imposer et c’est compliqué à gérer.
Selon vous, qu’est-ce que les femmes apportent à la société ?
Céline : Des connaissances et du savoir que les hommes n’ont pas forcément. Peut-être un peu plus de douceur dans notre métier.
Quels sont les progrès tous domaines confondus (travail, couple, famille…) qui restent à faire ?
Céline : Mieux considérer les femmes en tant que telles. Il y a des progrès mais parfois on sent encore qu’on est « juste des femmes ».
Dans nos métiers, on ne voit pas forcément ce genre de propos car il y a une majorité de femmes. Mais quand je regarde des interviews de femmes qui font des métiers comme mécaniciennes ou garagistes, on entend encore parfois : « ce sont des femmes, elles ne sont pas censées être là car ce sont des métiers d’hommes. » Alors que même si ces métiers sont considérés par la société comme des métiers d’hommes, une femme est tout à fait capable de faire exactement la même chose. C’est surtout sur cela que la société devrait faire des progrès selon moi. Et inversement pour les hommes qui viennent faire nos métiers.
Qu’est-ce qui vous inspire l’une chez l’autre ?
Céline : Ce qui m’inspire chez ma Maman c’est sa patience. C’est une femme très patiente avec un caractère très doux et très posé, contrairement à moi qui ait un très très gros caractère ! (rires) 😊
Elle m’inspire aussi beaucoup pour tout le parcours qu’elle a accompli pour faire le métier qui lui plait. Car ce n’était pas évident et tout cela m’inspire 😊
Virginie : Ma fille est tout le contraire de moi.
Elle m’aide beaucoup, elle m’aide énormément sur plein de choses. Je peux compter sur elle. J’ai parfois du mal à m’exprimer donc je lui pose beaucoup de questions et elle m’aide beaucoup au quotidien.
Céline : Par exemple dans nos métiers, mettre des bas de contention : on ne dirait pas comme ça mais ce n’est pas facile ! (rires) Surtout après une douche. Il y a quelques années, j’ai expliqué à ma maman une petite technique en prenant une chaussette de ski pour lui montrer ! (rires) Ce sont des petits trucs qu’en tant qu’aides-soignantes nous apprenons pendant nos études que les aides à domicile n’apprennent pas, alors qu’en réalité elles font quasiment le même métier que moi.
Virginie : Je peux beaucoup m’appuyer sur ma fille. Depuis qu’elle est toute petite jusqu’à aujourd’hui, elle m’a toujours poussé à aller plus loin, à me dépasser, elle m’encourage et me donne plein de conseils, dans ce métier et dans la vie en général 😊
Céline : Je suis sa plus grande fan. 😊 Je l’ai toujours admirée. Déjà quand j’étais petite, j’admirais ma Maman pour le métier qu’elle faisait. Et je pense que c’est pour cela que je suis devenue aide-soignante. Je voulais être forte comme Maman 😊
C’est totalement ma Maman qui m’a inspirée pour faire ce métier. Et dans la famille, nous sommes plusieurs à être dans ce domaine : ma tante est infirmière, ma grand-mère était auxiliaire de vie, à l’Abrapa aussi d’ailleurs !
Virginie : Moi j’ai aussi suivi ma Maman. Elle travaillait à l’Abrapa en mandataire. Parfois elle nous emmenait avec elle chez la personne bénéficiaire (rires). C’est comme cela que j’ai observé ma Maman et que j’ai été inspirée pour faire ce métier.
Qu’avez-vous transmis à votre fille dans votre éducation par rapport à la place, au rôle, aux droits et aux devoirs de la femme ?
Céline : Elle m’a appris à me battre. Pas la bagarre (rires), mais elle m’a appris à me battre pour les choses auxquelles je croyais, pour faire ce que je voulais faire dans la vie et m’exprimer. Elle m’a appris que ce n’est pas parce que je suis une femme que je dois me dire que : c’est l’homme qui dit, c’est l’homme qui a raison. Depuis mon plus jeune âge, c’est ce qu’elle et mon Papa m’ont inculqué.
Virginie : L’éducation qu’on lui a donnée c’était tout simplement : les valeurs de la vie. Être reconnaissant, être respectueux envers tout le monde, dire « bonjour, au revoir »…
Céline : Et ce sont des valeurs qui sont très importantes dans nos métiers. Nous avons quand même une grosse partie de relationnel, être à l’écoute des personnes, essayer de résoudre leurs problèmes… Alors j’avoue que ce n’est pas la partie ou je suis plus à l’aise car je suis d’un naturel réservé, mais mon métier m’a aidé à mieux m’ouvrir aux autres.
Virginie : J’ai aussi appris à ma fille à être patiente, à être à l’écoute des autres que ce soit dans son métier ou dans la vie de tous les jours.
Céline : Elle m’a aussi expliqué qu’aujourd’hui en tant que femmes nous avons le droit à plein de choses, alors qu’avant elles n’y avaient pas droit.
Céline, si vous avez une fille un jour quels messages aimeriez-vous lui faire passer ?
Céline : J’aimerais lui transmettre toutes les valeurs que ma Maman m’a transmises et celles que ma Mamie m’a transmises, car j’ai aussi beaucoup appris d’elle.
J’aimerais aussi lui transmettre de ne pas se laisser faire, savoir tenir une position, que ce n’est pas parce que c’est une femme qu’elle doit se rabaisser devant les hommes ou qu’elle a le droit de faire moins de choses qu’un homme. Je lui dirais qu’on est tous égaux qu’on soit homme ou femme, qu’on est tous pareils. Je pense que ce sont des valeurs importantes.
Quelque chose à ajouter ?
Virginie : Dans mon métier, quand je sors de chez le bénéficiaire avec le sourire, je suis contente. Surtout quand les personnes sont grincheuses ou de mauvaise humeur, et qu’en fin d’intervention, j’ai réussi à parler avec eux, à les faire rire et à les faire changer d’humeur ou d’avis sur le métier, je suis heureuse. Quand à la fin on me dit : « merci, à la semaine prochaine… ».
Céline : C’est vrai que c’est hyper satisfaisant, parce qu’on se dit qu’on a bien fait notre boulot aujourd’hui.
Virginie : Il y a eu un bénéficiaire chez qui c’était insalubre et où j’ai mis deux ans jusqu’à ce qu’il nous accepte, puis qu’il nettoie un peu, qu’il débarrasse son bol, des petites choses au fur et à mesure. Et quand après tous ces efforts, on arrive chez lui et qu’il nous dit : « je t’attendais pour prendre la douche ! Tu as 5 minutes de retard, je t’attendais à la fenêtre… » C’est satisfaisant et on est fières de nous.
Céline : Ce sont des toutes petites victoires qui égayent notre journée.
Virginie : C’est ce qui me satisfait et qui me rend heureuse de faire ce métier.
Pouvoir aider cette personne qui au début était complètement réfractaire à notre intervention. C’est beau ça ! 😊
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